Attention aux excès de vitesse : le Conseil d’Etat a refusé de suspendre le décret controversé du 15 juin 2018, relatif à la limitation de vitesse à 80 km/h ! (CE, ord., 23 juillet 2018 n° 421816 ; n° 422147 ; n° 421704)
Publié le :
20/08/2018
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2018
A l’occasion de l’entrée en vigueur du décret du 15 juin 2018, relatif à la limitation de vitesse à 80 km/h, tant controversé, le Conseil d’Etat a, par trois décisions du même jour, rappelé les conditions de recevabilité des référés créés par loi du 30 juin 2000, et à quel point celle tenant à l’urgence à statuer est déterminante.
La loi du 30 juin 2000 relative aux référés devant les juridictions administratives a en effet créé trois types de référé : le référé-suspension (art. 521-1 CJA), le référé-liberté (art. 521-2 CJA) et le référé mesures-utiles (521-3 CJA). Ces trois référés, désignés comme les « référés urgents » de la justice administrative, répondent tous à une même condition commune : l’urgence à statuer. Celle-ci doit en effet être obligatoirement caractérisée pour que le juge administratif décide par exemple de suspendre le décret attaqué ou d’enjoindre à l’administration de communiquer « l’intégralité des pièces du dossier administratif ayant servi à l’élaboration » de ce décret.
Saisi de deux référés-suspension (instances n° 421816 et 421704) ainsi que d’un référé mesures-utiles (n°422147) à l’encontre de ce décret, le Conseil d’Etat a estimé, dans ces trois recours, l’absence d’urgence à statuer dans l’argumentation présentée par les requérants.
Les requérants expliquaient en effet qu’il y avait urgence à statuer en ce que :
- « l’entrée en vigueur du décret, à compter du 1er juillet 2018, crée, en elle-même, une situation d’urgence » et que « le décret s’appliquant à l’ensemble des usagers de la route (…) et [pouvait], par suite, être à l’origine de nombreuses pertes de points pour les automobilistes » ;
- « la nouvelle valeur limite de vitesse de 80 km/h est susceptible d’augmenter le risque d’accidents de la route, en raison de ce qu’elle favoriserait (…) l’hypovigilance des conducteurs, voire leur fatigue nerveuse et leur agressivité et, (…) qu’elle se traduit notamment par un accroissement de la durée de ses trajets et de sa consommation de carburant ainsi que par une baisse de son attention en situation de conduite » ;
- La communication des documents « leur est immédiatement nécessaire, compte tenu de ce qu’ils ont parallèlement introduit, contre ce même décret, un recours pour excès de pouvoir et une requête en référé-suspension, qui ont été respectivement enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat les 20 et 27 juin 2018 sous les numéros 421651 et 421816 » ;
- S’agissant des demandes en suspension, « ni les écritures des requérants, ni les pièces versées au dossier, ni, (…) les échanges au cours de l’audience publique, ne permettent de faire apparaître d’éléments concrets et circonstanciés propres à établir que l’exécution du décret du 15 juin 2018 porterait atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public ou à la situation des requérants ; que, par suite, la condition d’urgence (…) [n’était] , en l’état de l’instruction, pas satisfaite ».
- S’agissant de la demande de communication des pièces, « il n’est ainsi pas établi, que ce soit par les pièces du dossier, ou d’ailleurs, par les éléments avancés lors de l’audience publique, que la communication immédiate des pièces en cause, à tout le moins pour celles qui ne font pas d’ores et déjà l’objet d’une diffusion publique, serait nécessaire à la sauvegarde des droits des requérants ; que la condition d’urgence n’étant ainsi pas satisfaite ».
Cette affaire démontre la nécessité de bien caractériser l’urgence, car la suspension d’un décret n’est pas de droit. Pour autant, cela ne présume pas que sur le fond le décret contesté est légal.
Pour les conducteurs, l’espoir reste permis….
Didier DEL PRETE, Avocat associé, cabinet BOREL & DEL PRETE
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