Comment obtenir le paiement des travaux supplémentaires pour les entreprises dans les marchés à forfait ?
Publié le :
30/07/2018
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La Cour de cassation vient très récemment de rendre un arrêt mettant en évidence les difficultés à obtenir le paiement des travaux supplémentaires pour les entreprises ou pour les sous-traitants dans les marchés à forfait (Cass.civ, 3ème ch, 21 juin 2018, 17-104).
Quel est le régime applicable ?
Le marché à forfait constitue un marché dont le montant est forfaitaire et ne peut donc pas être modifié après signature. Il en résulte que l'entreprise assume un risque, concrétisé par la nécessité de mettre en œuvre des quantités supérieures à celles qu'il avait initialement prévues. Elle doit à cet égard faire face à l'augmentation du coût de la main-d'œuvre, ou d'être dans la nécessité de mobiliser davantage de personnel pour respecter les délais, par exemple.
Ce contrat aléatoire trouve son fondement dans l’article 1793 du Code civil disposant que :
« Lorsqu'un architecte ou un entrepreneur s'est chargé de la construction à forfait d'un bâtiment, d'après un plan arrêté et convenu avec le propriétaire du sol, il ne peut demander aucune augmentation de prix, ni sous le prétexte de l'augmentation de la main-d’œuvre ou des matériaux, ni sous celui de changements ou d'augmentations faits sur ce plan, si ces changements ou augmentations n'ont pas été autorisés par écrit, et le prix convenu avec le propriétaire ».
Cet article s'applique aussi bien aux marchés de droit privé, qu’aux marchés publics de travaux, la définition des travaux supplémentaires étant identique dans les deux régimes. Il s'agit de travaux qui ne sont pas compris dans le forfait, qui débordent en quelque sorte du plan arrêté et convenu, c'est-à-dire du descriptif contenu dans le contrat.
Autrement dit, même si un marché à forfait suppose un prix forfaitaire et global, et si, lorsqu'il porte sur des travaux de bâtiment, les travaux supplémentaires ne sont opposables au maître de l'ouvrage que s'il les a autorisés par écrit. Le surcoût des travaux supplémentaires non prévus au contrat initial est seulement admis en cas de bouleversement de l’économie du contrat.
La Cour de cassation vient récemment de confirmer cette analyse en rappelant que le paiement de travaux supplémentaires est également possible, même en absence d'un tel accord lorsqu’un bouleversement de l'économie du marché initial est démontré par l’entreprise (Cass. civ. 3e, 19 janv. 2017, n° 15-20.846). Elle a, sur le fond, jugé que le fait que le maître de l’ouvrage fournisse et impose à l’entrepreneur des métrés erronés du maître d’œuvre ne constitue pas un bouleversement de l’économie du contrat à la demande du maître de l’ouvrage de nature à entraîner la modification du caractère forfaitaire du contrat.
Ce raisonnement a été repris très récemment à propos d’un marché à forfait ayant pour objet la rénovation de bâtiments (Cass.civ, 3ème ch, 21 juin 2018, n°17-104). L’entreprise principale a sous-traité la réalisation des plafonds suspendus et des plafonds techniques. Le litige portait sur une divergence entre les deux sociétés sur la définition des obligations techniques contractuelles qui a entrainé un surcoût généré par le changement de mode opératoire pour la réalisation de la prestation. Le pourvoi en cassation a été rejeté au motif que les juges du fond ont à juste titre estimé qu’il n’y avait pas eu de bouleversement de l’économie du marché en raison du manque de prévision de la société sous-traitant.
Ces deux exemples démontrent la difficulté pour l’entreprise principale ou pour le sous-traitant de caractériser le bouleversement de l’économie du marché. Toute la difficulté provient de la notion de bouleversement de l’économie d’un marché qui n’est pas juridiquement définie, et qui dépend des circonstances particulières de chaque espèce et de l’ampleur des travaux supplémentaires réalisés par rapport au marché initial.
Quelles solutions pour sécuriser le paiement de travaux supplémentaires ?
Pour tenter de réduire cet aléa, plusieurs solutions pourraient être envisagées.
La conclusion d’un avenant avant tout commencement de travaux constitue la seule véritable garantie pour obtenir le paiement des travaux supplémentaires.
La réforme du droit des contrats entrée en vigueur pour les marchés conclus à compter du 1er octobre 2016 offre une nouvelle opportunité pendant l’exécution du marché. Sur le fondement des dispositions de l’article 1195 du Code civil, une entreprise peut désormais, dès lors que sont remplies les conditions posées par l’article 1195 du Code civil, provoquer, selon certaines modalités, la renégociation du contrat avec le Maître d’ouvrage. A défaut d’accord et d’un commun accord, elle peut solliciter judiciairement la révision du prix en cas de circonstances imprévisibles ou rendant l’exécution du contrat excessivement onéreuse et à condition qu’elle n'ait pas accepté d'en assumer le risque dans les stipulations contractuelles.
Et enfin, il pourrait être envisagé de rechercher la responsabilité d’un tiers, en l’occurrence du maître d’œuvre. La Cour de cassation a précisé que le caractère forfaitaire du marché n’exonérait pas le tiers au contrat (en l’espèce le maître d’œuvre) de son obligation de réparer le préjudice de l’entreprise si l’erreur commise dans son étude a conduit cette dernière à établir un devis sous-évalué. (Cass. civ. 3e, 19 janv. 2017, n° 15-20.846).
Compte tenu de la complexité de ces marchés et de la pluralité d’acteurs, le Cabinet Borel&Del Prete peut vous accompagner pour sécuriser le paiement des travaux supplémentaires.
Didier DEL PRETE Avocat associé, cabinet BOREL & DEL PRETE
04 42 26 78 23
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