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Focus sur le juge des référés libertés pendant la crise covid-19

Focus sur le juge des référés libertés pendant la crise covid-19

Publié le : 30/06/2021 30 juin juin 06 2021

Face à la crise sanitaire et afin de rétablir un ordre public sanitaire ébranlé, le gouvernement et l’administration ont dû, depuis plus d’un an, prendre des mesures contraignantes pour les droits et libertés des citoyens. 
Si traditionnellement le juge judiciaire est le garant constitutionnel des libertés individuelles sur le fondement de l’article 66 de la Constitution, c’est le juge administratif qui, pendant cette crise, a joué un rôle central. Depuis l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2001, de la loi du 30 juin 2000, les référés occupent une place importante dans l’activité du Conseil d’État, et plus particulièrement le référé liberté (art L521-2 du CJA). 
  • Le référé-liberté : une voie de recours « d’extrême urgence » pour garantir le respect des droits et libertés fondamentaux
C’est sur le fondement de l’article L521-2 du code de justice administrative que le Conseil d’Etat s’est prononcée sur les mesures prises par le gouvernement pendant cette crise. « Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. ».

Pour apprécier le caractère manifestement illégal de l’atteinte à la liberté fondamentale, le juge prend en compte les moyens dont dispose l’administration et des mesures qu’elle a mise en œuvre et entend mettre en œuvre.  Ainsi et à titre d’illustration, le Ministre de la Justice avait décidé de renforcer « les mesures barrières » déjà mise en œuvre dans les établissements pénitentiaires lors de l’audience et suite au référé liberté introduit par un syndicat (CE, ord. 8 avril 2020, n° 439821, Le Syndicat national pénitentiaire Force ouvrière).

Le référé liberté peut également se combiner avec la Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC). Une QPC peut, en effet, être formulée au soutien de la demande du requérant, y compris pour la première fois en appel. Le Tribunal administratif doit dès lors se prononcer, en l’état de l’instruction, sur la transmission de la question au Conseil d’Etat et, pour le juge des référés du Conseil d’Etat, sur son renvoi au Conseil constitutionnel.  Le juge des référés qui transmet la QPC a néanmoins la possibilité de prendre les mesures provisoires ou conservatoires nécessaires.
  • La diversité et la pluralité des contentieux dont le juge administratif a été saisi pendant la crise sanitaire
Le Conseil d’Etat a été saisi de plus 647 recours jugés en urgence. A ce titre, il a suspendu des mesures jugées illégales et enjoint l’administration de corriger ses illégalités à 51 reprises. Les mesures contestées portaient principalement sur les libertés fondamentales suivantes : la liberté d’aller et venir, le droit au respect de la vie privée, la liberté de culte ou encore la liberté d’entreprendre…

A titre d’exemples, ces recours ont concerné : la fermeture des discothèques (ord. n°452294 & 452449 du 21 mai 2021) ; le déroulé d’épreuves de BTS en présentiel (ord. n°451849 & n°451991 du 30 avril 2021) ; la restrictions des déplacements pendant le couvre-feu concernant les personnes vaccinées ou ayant déjà contractées le covid 19 (ord. n°451455 & n°451990 des 7 avril et 3 mai 2021) ; l’adaptation du couvre-feu pendant la semaine de Pâques (ord. n°450893 du 29 mars 2021) ; la fermeture au public des galeries d’art (ord. n°451085, 14 avril 2021). Cela a également concerné l’ajout du mariage aux motifs impérieux permettant d’entrer sur le territoire français (ord. n°450884, 9 avril 2021) ou encore  la possibilité de se rendre chez un avocat après le couvre-feu (ord. n°449764, 3 mars 2021).

Cela témoigne de l’importance de cette procédure de référé qui selon l’expression de Bernard Stirn « contribue à satisfaire l’exigence constitutionnelle de recours effectif devant un juge » (Le Conseil d’Etat, juge des référés administratifs et la Constitution Jeudi 10 janvier 2019) d’autant plus que le champ des libertés fondamentales relève de l’office du juge. Il a, ainsi, jugé que le droit pour un patient en état d’exprimer sa volonté de consentir à un traitement médical a le caractère d’une liberté fondamentale (CE, ord, 16 août 2002, Mme Feuillatey)  ou encore le droit au respect de la vie (CE, ord, 16 novembre 2011, ville de Paris et société d’économie mixte PariSeine). 

Les crises successives ayant conduit à la mise en œuvre de l’état d’urgence (en 2015 et en 2020) ont démontré l’intérêt pratique et l’utilité du référé liberté dans le contentieux administratif.

Didier DEL PRETE, avocat associé, cabinet BOREL & DEL PRETE
 

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