Le droit au recours doit être effectif pour le Conseil constitutionnel dans le contentieux de l’urbanisme !
Publié le :
17/05/2019
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Les réformes successives du contentieux de l’urbanisme depuis 2013 ont eu pour objectif de limiter le contentieux de l’annulation des permis de construire. C’est dans ce contexte que l’article L. 600-13 du Code de l’urbanisme a été inséré dans ce code (introduit par un amendement parlementaire lors de l’examen de la loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté).
L’article L. 600-13 du Code de l’urbanisme prévoyait que :
« la requête introductive d'instance est caduque lorsque, sans motif légitime, le demandeur ne produit pas les pièces nécessaires au jugement de l'affaire dans un délai de trois mois à compter du dépôt de la requête ou dans le délai qui lui a été imparti par le juge.
La déclaration de caducité peut être rapportée si le demandeur fait connaître au greffe, dans un délai de quinze jours, le motif légitime qu'il n'a pas été en mesure d'invoquer en temps utile ».
La caducité a pour effet d'éteindre l'instance, et par voie de conséquence est susceptible de porter atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif.
Dans le cadre d’un contentieux relatif à l’annulation d’un permis de construire, le Conseil d’Etat a jugé que le moyen tiré de ce que cet article porte atteinte notamment au droit à un recours juridictionnel effectif garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 soulève une question présentant un caractère sérieux justifiant le renvoi de la QPC devant le Conseil constitutionnel (CE, 8 février 2019, n° 424146).
Cette QPC est particulièrement intéressante car elle rappelle l’importance du droit au recours juridictionnel effectif découlant de l’article 16 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Ce droit est aux nombres des droits et libertés dont l’atteinte peut être invoquée au soutien d’une QPC (Décision n° 2019-777 QPC, 19 avril 2019). Il est également protégé par l’article 6 § 1 et l’article 13 de la CESDH (CEDH, 13 décembre 2012, Ribeiro c. France) et par le Conseil d’Etat lui-même en érigeant le recours pour excès de pouvoir au rang de principe général du droit avec le célèbre arrêt Dame LAMOTTE (CE, Ass., 17 février 1950).
Le Conseil a jugé que l’atteinte portée au droit au recours juridictionnel était disproportionnée au regard de l’objectif d’intérêt général poursuivi de lutter contre les recours dilatoires en matière d’urbanisme car « la notion de « pièces nécessaires au jugement d’une affaire » est insuffisamment précise pour permettre à l’auteur d’une requête de déterminer lui-même les pièces qu’il doit produire ».
Or le juge administratif avait sur le fondement de cette disposition la possibilité de « prononcer la caducité de la requête sans être tenu, préalablement, ni d’indiquer au requérant les pièces jugées manquantes ni même de lui préciser celles qu’il considère comme nécessaires au jugement de l’affaire».
Cette disposition était d’autant plus critiquable que si la caducité était prononcée, le juge ne pouvait plus statuer sur la légalité de l’autorisation d’urbanisme dont il était saisi. Le requérant avait seulement la possibilité de saisir par une nouvelle requête la juridiction sous réserve que le délai de recours ne soit pas expiré. En réalité et sur un plan pratique, le délai de recours était expiré, ce qui le privait d’un droit à un recours effectif.
Cette décision est logique et cohérente, d’ailleurs le législateur anticipant le risque avait abrogé cette disposition objet de la QPC (loi Elan du 23 novembre 2018). Le Conseil constitutionnel a précisé que la décision s’applique pour les affaires non jugées définitivement à la date de la publication de la décision au Journal officiel.
En conclusion, si l’objectif est de lutter contre les recours abusifs et dilatoires contre les autorisations d’urbanisme est louable, il ne doit pas se faire au détriment de l’accès au juge et des droits du justiciables dans le cadre du procès administratif. La réduction des délais de jugement peut être constitué le moyen efficace de concilier les droits des constructeurs et les droits de tiers, espérons que la loi Elan donnera un nouvel élan au contentieux de l’urbanisme…
Didier DEL PRETE, avocat associé, cabinet BOREL & DEL PRETE
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