Michel Platini, ancien ballon d’or, capitaine de l’équipe de France, Président de l’UEFA vient de perdre son match contre le TAS devant la CEDH !
Publié le :
10/03/2020
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Pour rappel, la FIFA avait suspendu 8 ans Michel Platini alors candidat à la succession de Sepp Blatter à la FIFA. Cette sanction a, ensuite, été réduite à 6 ans en appel, puis à 4 ans par le Tribunal arbitral du sport (TAS), confirmée par le Tribunal fédéral (Suisse).
Michel Platini avait saisi la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) qui vient de le débouter, estimant à l’unanimité des juges que sa requête est irrecevable (CEDH, 5 mars 2020,, Platini c./Suisse, n°526/18).
Dans son communiqué sa presse, la Cour a, cependant, précisé « qu’au regard de la gravité des infractions commises, de la position élevée que M. Platini occupait au sein des instances de football et de la nécessité de rétablir la réputation de ce sport comme celle de la Fifa, la sanction infligée ne paraît ni excessive, ni arbitraire» (5 mars 2020).
Ce recours est particulièrement intéressant en ce qu’il soulève la question de la compétence de la Cour ainsi que des conditions de recevabilité des requêtes devant la Cour.
En premier lieu, la Cour devait se prononcer si elle était compétente pour statuer sur une éventuelle responsabilité internationale de la Suisse. Cela n’allait pas de soi dans la mesure où la sanction litigieuse prononcée à l’encontre du requérant a été infligée par la FIFA, (c'est-à-dire une association de droit privé suisse) et contestée devant les instances de la FIFA, puis devant le Tribunal Arbitral du Sport (TAS). Il en allait de même du TAS qui n’est ni un tribunal étatique ni une institution de droit public suisse, mais une entité émanant d’une fondation de droit privé.
Or, la Cour s’est déclarée compétente parce que la loi suisse prévoit les effets attachés aux sentences arbitrales du TAS ainsi que la compétence du Tribunal fédéral pour connaître de leur validité. Il en résulte que les actes ou les omissions du TAS sont dès lors susceptibles d’engager la responsabilité internationale de l’Etat Suisse (CEDH, 12 septembre 2012, Nada c. Suisse, no 10593/08, §§ 120-122).
Une fois établie la compétence de la Cour, les griefs soulevés par Michel Platini ont pu être examinés (CEDH, 3 septembre 2019, Bakker c. Suisse, n° 7198/07). S’agissant des droits substantiels, il a invoqué le moyen tiré de la méconnaissance des règles du procès équitable (art. 6), ainsi que ceux tirés de la violation des articles 7 et 8 de la Convention.
Cette affaire met une nouvelle fois en évidence la portée de l’article 35 de la Convention qui impose de soulever devant les juridictions nationales (au nom du principe de subsidiarité), au moins en substance et dans les formes et délais prescrits par le droit interne, les griefs que l’on entend formuler par la suite devant la Cour. A défaut, le recours devra être écarté pour non-épuisement des voies de recours internes (CEDH 1er juin 2010, Gäfgen c. Allemagne, no 22978/05). C’est en ce sens que s’est prononcée la Cour s’agissant de la méconnaissance d’un droit à un procès équitable invoqué par Michel Platini.
Par ailleurs, la Cour a écarté la violation du principe de non-rétroactivité de la loi, concrétisé à l’article 7 de la Convention, en raison de l’absence d’« infraction pénale » retenue contre Michel Platini. Ainsi que cela a été rappelé et selon une jurisprudence bien établie, la protection offerte par l’article 7 implique « d’apprécier si une mesure particulière s’analyse au fond en une « peine » au sens de cette clause » (CEDH, 12 février 2008, Kafkaris c. Chypre, no 21906/04, § 142, 12 février 2008). Or, selon la Cour les sanctions prononcées contre Michel Platini, constitue une sanction prise à l’encontre d’un haut fonctionnaire de la FIFA notamment sur le fondement de l’article 22 du code disciplinaire de l’institution, et jugée par les organes internes de la FIFA (la commission d’éthique et la commission de recours), ce qui excluait donc la qualification de peine. Ce grief a ainsi été jugée incompatible avec les dispositions de la Convention au sens de l’article 35 § 3 a).
Elle a, enfin, écarté l’atteinte portée à l’article 8 de la Convention. Michel Platini avait soutenu que la sanction qui lui a été infligée violerait la liberté d’exercer une activité professionnelle (attaché à la liberté de la personnalité), protégée par cette disposition, car elle l’a empêché d’exercer toute activité relative au football durant quatre ans. La Cour a en synthèse estimé « que les motifs à la base de la mesure litigieuse touchant la vie professionnelle du requérant n’ont aucun rapport direct avec sa vie privée » tout en reconnaissant que « les répercussions sur sa vie privée sont la conséquence des actes qui lui ont été reprochés ». Elle a, cependant, jugé en l’espèce que la durée de la sanction ainsi que l’interdiction prononcée n’apparaissaient pas manifestement excessives. Elle, a notamment estimé « que les conclusions des instances inférieures ne paraissent ni arbitraires ni manifestement déraisonnables, et poursuivaient non seulement l’objectif légitime de punir les infractions commises aux règlements pertinents par un haut fonctionnaire de la FIFA, mais également le but d’intérêt général consistant à rétablir la réputation du football et de la FIFA ». Elle a conclu que ce moyen était manifestement mal fondé au sens des dispositions précitées.
En définitive, il n’y a pas eu « match » sur le plan juridique devant la Cour !
Didier DEL PRETE, avocat associé, cabinet BOREL & DEL PRETE
Historique
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