Principe de prévention, principe de précaution et Déclaration d’utilité publique : comment concilier l’utilité publique et l’environnement ! (CE, 9 juillet 2018, n°410917, n°411030)
Publié le :
02/08/2018
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« Le moment parait venu d’affirmer solennellement que tout justiciable peut se prévaloir de la Charte de l’environnement devant le juge administratif et, plus largement de marquer le rôle du juge administratif comme un acteur majeur du droit de l’environnement » avait écrit Yann AGUILA, dans ses conclusions sous le célèbre arrêt d’assemblée Commune d’Annecy en date du 3 octobre 2008 (Droit de l’environnement, n°162, octobre 2008, p. 20).
La portée de cette affirmation doit être relativisée dans le contentieux de la Déclaration d’utilité publique, comme en témoigne l’arrêt récent du Conseil d’Etat (CE, 9 juillet 2018, n°410917, n°411030) à propos des travaux nécessaires à la réalisation du tronçon de métro automatique du réseau de transport public du Grand Paris reliant les gares Aéroport d'Orly à Versailles-Chantiers (tronçon inclus dans la ligne dite « verte » et correspondant à la ligne 18).
Ces travaux ont été déclarés d’utilité publique par un décret n° 2017-425 du 28 mars 2017.
Plusieurs communes riveraines du projet, ainsi que plusieurs associations de défense de l’environnement, de l’agriculture et du cadre de vie ont demandé au Conseil d’État l’annulation de ce décret, notamment en invoquant le principe de prévention ainsi que celui de précaution.
Le Conseil d’Etat a jugé régulière cette DUP en écartant notamment le moyen tiré de la méconnaissance du principe de prévention.
On rappellera que le principe de prévention est l’un des principes généraux du droit de l’environnement consacré d’abord par l’article L.110-1 du Code de l’environnement puis repris dans la Charte de l’environnement. Il implique la mise en œuvre de règles et d’actions pour anticiper toute atteinte à l’environnement qui doivent tenir compte des derniers progrès techniques. Il est à cet égard nécessaire d'éviter, de réduire et de compenser (ERC) les dommages liés aux risques avérés d'atteinte à l'environnement et plus particulièrement à la biodiversité, en agissant en priorité à la source et en recourant aux meilleures techniques disponibles.
Sur ce point, le Conseil d’État a estimé que le tracé retenu et les mesures d’évitement permettent d’atténuer significativement ces inconvénients, pour les eaux en particulier.
De même, il a relevé que des mesures de compensation ont été prévues pour réduire les effets du projet sur certaines espèces animales. C’est pour l’ensemble de ces raisons qu’il a écarté ce moyen.
Le moyen tiré de la méconnaissance du principe de précaution consacré par l’article 5 de la Charte de l’environnement a également été écarté par le Conseil d’Etat. L’article 5 de la Charte de l’environnement s’applique « lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement (…)».
Or, le Conseil d’Etat a estimé « qu’aucun élément circonstancié de nature à accréditer l’hypothèse d’un risque de dommage grave et irréversible pour l’environnement ou d’atteinte à l’environnement susceptible de nuire de manière grave à la santé qui justifierait, en l’espèce l’application du principe de précaution ».
Autrement dit, les éléments versés au débat n’ont manifestement pas convaincu les juges.
Ainsi que l’illustre cet arrêt du Conseil d’Etat, il apparait difficile d’obtenir l’annulation d’une DUP sur le fondement des principes consacrés par la Charte de l’environnement. Si l’applicabilité de ces principes n’est plus discutée devant les juridictions administratives (CE, 19 juillet 2010, « Association du quartier Les Hauts du Choiseul », n°328687), leur effectivité l’est davantage pour les usagers, ou pour les associations.
Didier DEL PRETE, Avocat associé, cabinet BOREL & DEL PRETE
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